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Entretien avec Bola Bardet, fondatrice et CEO de Susu

Il y a quelques semaines, à l’occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes, nous avons réalisé notre tout premier Live Facebook avec pour invitée Bola Bardet, présidente et fondatrice de Susu. Ce fut un échange passionnant autour de l’histoire de l’entreprise, les raisons de sa création ainsi que les défis et aspirations d’une femme engagée, dirigeante d’entreprise et maman. Voici un résumé de notre discussion.

Qu’est ce qui t’a poussé à lancer Susu ?

L’histoire a démarré fin 2017, l’année où j’ai perdu mon papa âgé de seulement 65 ans, suite à des complications liées à une maladie chronique mal soignée.

 

Étant d’origine béninoise,  j’ai une attache forte avec ma famille au Bénin et Susu a été créé avec l’envie de se dire ok je vis loin de mes proches, à 5000 km d’eux, on se parle régulièrement, cette distance est censé profiter à tout le monde car c’est un sacrifice que l’on fait, mais j’ai eu ce sentiment d’impuissance où je ne pouvais rien faire à part attendre et espérer. 

 

À travers Susu, j’ai donc voulu renverser la balance, en me disant que lorsque l’on est de la diaspora africaine, loin des siens, on ne doit pas tout le temps être dans le stress, l’attente ou dans un sentiment d’impuissance. On peut être acteur de cela, proposer des solutions qui permettent de tranquilliser les membres de la diaspora africaine vis-à-vis de la santé de leurs proches au pays.

Que proposez-vous exactement chez Susu ?

On a longuement travaillé avant de lancer Susu et on s’est rendu compte qu’il y avait deux types de demandes, les produits qu’on propose répondent à ce type de demande.

 

La première offre que nous proposons ce sont des couvertures d’assurances santé pour les proches de la diaspora basés dans leur pays d’origine. Les personnes de la diaspora sénégalaise, ivoirienne, camerounaise, peuvent souscrire à travers nous à des assurances santé, pour un ou plusieurs proches dans leur pays d’origine. Des assurances essentielles à des tarifs abordables, jusqu’à des assurances internationales qui permettent de soigner ses proches à l’étranger et de les évacuer sanitairement également en cas de soucis.

 

La deuxième catégorie d’offre, c’est pour toutes les personnes qui ne sont pas assurables ou qui recherchent un tout petit peu plus qu’une assurance. Malheureusement dans certains pays, l’assurance est encore très restrictive, c’est souvent pour les personnes de moins de 60 ans, ou qui n’ont pas de pathologies préexistantes. Nous proposons des bouquets de santé qui vont être des programmes de suivi sur le long cours qui permettent de couvrir au moins une pathologie spécifique et de s’assurer qu’elle n’est pas en train de se dégrader. Si je prends un exemple concret, une personne diabétique peut souscrire chez nous et elle va avoir un programme sur 12 mois renouvelable, rythmé en terme de visite chez le médecin spécialiste, le médecin généraliste, les visites de l’infirmier à domicile, on leur fournit même un tensiomètre et un glucomètre afin que ces personnes puissent être suivie de manière assez rigoureuse.

Quelle est la valeur ajoutée de Susu ?

Encore une fois on ne se contente pas d’être une simple assurance, ce qu’on va proposer c’est un accompagnement au long cours. 

 

La deuxième chose, c’est qu’en général les gens de la diaspora envoient de l’argent au pays et ils prient pour que cet argent soit bien utilisé. Nous ce qu’on va apporter à ces personnes là c’est la garantie que l’argent n’est utilisé que pour la santé de leurs proches. 

 

Le troisième avantage, va être d’ordre financier. Aujourd’hui dans nos pays, surtout en Afrique subsaharienne, l’assurance se paye en une fois et à la souscription. Chez Susu, on permet au client de payer mensuellement donc ça permet de réduire un peu la barrière financière ou l’effort financier pour le client.

 

Le dernier avantage c’est tout le suivi du parcours de soin que l’on va apporter. Nous avons un call center qui répond aux questions de nos bénéficiaires, qui est composé d’infirmiers, de personnes qui sont formées pour répondre à ces bénéficiaires, on planifie le parcours de soins, on organise leurs rendez-vous, on les appelle la veille du rendez-vous, donc c’est vraiment un suivi au long cours et qui d’après ce qu’on a constaté existe très peu sur le marché actuel.

Êtes-vous présents dans tous les pays d’Afrique subsaharienne ?

L’ambition c’est d’être présent dans tous les pays d’Afrique. On a une forte demande de tous les pays d’Afrique sur tous les produits que l’on propose. On me reproche souvent de pas encore être au Bénin d’ailleurs, mais on viendra nous l’espérons dans les prochains mois.  

Pour la partie santé nous sommes pour l’instant présents sur 3 pays, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Cameroun.

Ensuite, nous avons une offre disponible partout en Afrique, c’est l’offre rapatriement pour les membres de la diaspora, qui permet en cas de décès d’assurer son transfert dans son pays d’origine. C’est un produit qui sort un peu de son identité initiale, mais on a eu une forte demande par rapport à cette offre et donc on la propose depuis une année maintenant à des associations de diaspora et à des individus, ce qui permet de tranquilliser ces personnes et de s’assurer que dans l’éventualité d’un décès que cette personne sera inhumée dans son pays d’origine.

Pourquoi le nom "susu" ?

Très bonne question. Je suis d’origine béninoise, mon prénom c’est Bola, un prénom d’origine Yoruba, une ethnie entre le Bénin et le Nigeria. “Susu” est d’origine Yoruba, c’est le diminutif de “esusu” qui veut dire tontine en Yoruba. J’ai voulu garder ce nom en hommage à mon papa, parce qu’à l’époque, il m’avait aidé à travailler sur mon projet de tontine digitale et je trouve qu’on retrouve cet esprit de solidarité à travers la diaspora qui aide leurs proches au pays. Pour l’anecdote, les gens parlent de Susu dans le sens des petits sous alors que non ce n’est pas du tout ça.

Qu’est-ce qui te motive à sortir du lit tous les matins ?

Encore une très bonne question. Il n’y a pas de réponse simple, ce qu’on fait est ambitieux, on essaye d’innover et l’innovation se fait dans la douleur. Toujours est-il que moi j’ai l’impression d’avoir trouvé ma vocation. J’ai eu plusieurs carrières, j’ai démarré dans des grandes entreprises, d’abord dans le secteur du luxe, ensuite dans la banque privée, et je ne me suis jamais senti aussi épanouie, je n’ai jamais trouvé autant de sens que dans ce que je fais aujourd’hui avec Susu. 

 

Ce qui me fait me lever le matin, c’est la conviction que ce qu’on est en train de faire apporte quelque chose au secteur de la santé, dans nos pays. C’est d’autant plus facile pour moi du fait que Susu a démarré d’une histoire personnelle. Toutes les semaines on a quand même des mauvaises nouvelles du pays, des oncles, des tantes qui décèdent brusquement, de manière triviale, par manque de soins, des choses qui nous paraissent aberrantes et je n’ai pas envie de rester impuissante par rapport à cela et c’est ça qui me fait me lever le matin. 

 

La deuxième chose c’est l’équipe Susu, l’envie de me retrouver dans une équipe motivée, engagée qui a du plaisir sur ce projet, encore plus convaincue que moi qu’il y a quelque chose à faire au niveau de la santé, et c’est un vrai plaisir de me retrouver tous les matins, avec cette famille, qui est une équipe de diverses origines, de divers pays, et qui tous les matins donnent envie de se lever pour contribuer ensemble à faire des choses bien pour la santé en Afrique. 

Quelles sont les choses les plus difficiles auxquelles doit faire face Susu ?

C’est un parcours du combattant, en début de semaine on ne se demande pas si on va avoir des problèmes, on se demande quels seront les problèmes, et à la fin de la semaine on constate l’étendue des dégâts.

 

Finalement, on est préparé au fait qu’on va avoir des challenges, des problèmes à résoudre, des partenaires qui ne respectent pas forcément leurs engagements et que cela retombe sur nous. On va avoir des frustrations sur des projets qui n’avancent pas assez vite, en somme la vie normale de l’entreprise. Toujours est-il que pour nous, le moteur et le challenge c’est de pouvoir changer un système existant. On ne sait pas par quel bout prendre les choses quand on a tellement tout à faire dans le domaine de la santé, quand on est soumis à une panoplie de challenges, il faut trouver les priorités.

Quels sont tes objectifs pour les 12 prochains mois ?

Ce matin j’ai eu la chance d’échanger avec un entrepreneur béninois, qui a créé une fintech très connue basée en Afrique du Sud, et ce qu’il m’a dit m’a un peu fait rigoler, il m’a dit ton seul objectif quand tu es chef d’entreprise, surtout dans une start-up qui démarre c’est de rester vivant. Plus tu es vivant, plus tu augmentes tes chances de survie. 

Susu commence à avoir une empreinte auprès de la diaspora, on commence à être connu, parce qu’on a fait un travail depuis les 3 dernières années, depuis notre démarrage, et on a une confiance qui se construit. 

 

Plus concrètement, évidemment, une entreprise ça se finance, donc on travaille au jour le jour au développement de Susu à travers des investisseurs privés, institutionnels, on leur vend notre idée, on leur vend notre vision, et finalement ils décident d’investir ou pas et donc je suis très impliquée sur la recherche de fonds.  

On a également le projet Mama Care qu’on est en train de lancer en Côte d’Ivoire dans un premier temps, qui est le bouquet grossesse qui permet de prendre en charge la santé de la femme enceinte et de son nourrisson.

 

Le troisième projet c’est d’accélérer le développement de notre plateforme digitale. Nous travaillons activement au déploiement d’applications pour les personnes de la diaspora, pour leurs bénéficiaires également qui permettent de suivre le parcours de soin des bénéficiaires, recevoir des notifications à l’approche d’un rendez-vous médical, recevoir des conseils. On est en train de travailler dur avec notre CTO, Laurent Leconte, pour toute la partie technique de notre projet.

Quels sont tes défis en tant que femme et cheffe d’entreprise ?

Là je fais mon live depuis une chambre d’hôtel à Paris, je suis loin de ma famille, j’ai un petit garçon qui a 6 ans, Susu a commencé il avait même pas encore 3 ans et depuis le début il a connu une maman qui va et vient, et même quand elle est là, elle est quand même très accaparée par Susu. Je ne suis pas la maman qui fait des gâteaux tous les mercredis après-midi à 16h. Je suis une maman très active, qui bouge beaucoup et qui travaille énormément également donc réveillée très tôt le matin avec des journées très longues. Il y a une organisation familiale différente par rapport à cela et je voudrais remercier mon mari d’être très présent, tolérant et indulgent parce que je pense que c’est une chance et que Susu n’aurait pas pu se faire sans sa présence.

Quelle est selon-toi la définition de la femme en 2022 ?

Une femme forte, une femme qui ne subit pas, une femme actrice de son destin. J’ai toujours eu une approche à la fois militante et à la fois pragmatique du féminisme, en me disant que c’était ni une tare, ni un avantage mais que c’est un fait d’être une femme. Ça vient avec des bons côtés mais aussi avec des comportements un peu machistes notamment dans le domaine de la santé et de l’assurance. Arriver dans ces domaines en tant que femme ça peut en troubler certains, mais moi ça m’a jamais posé de problème. Je réalise qu’il y a énormément d’avantages à être une femme entrepreneur dans le domaine de la santé, en Afrique, dans une start-up, il y en a pas énormément, donc ça donne plus de visibilité. 

Et pour cela et je voudrais remercier mon mari d’être très présent, tolérant et indulgent parce que je pense que c’est une chance et que Susu n’aurait pas pu se faire sans sa présence.

Quels conseils donnerais-tu à une personne, et plus spécifiquement, à une femme qui souhaite se lancer dans l’entrepreneuriat ?

Fonce ! j’ai envie de lui dire fonce, parce que ce n’est jamais le bon moment, il y a toujours une raison, on est trop jeune, trop vieille, trop maman, trop ceci, trop cela, donc moi je dis la règle elle est simple, c’est d’écouter ses tripes. Si je prends un exemple simple, j’ai créé Susu à un moment où j’étais vraiment au sommet de ma carrière professionnelle et c’était un risque infini de laisser tout ça. Partir dans l’inconnu, dans un domaine si difficile, je l’ai fait parce que pour moi, il y avait cet appel là qui était irrépressible que je ne pouvais pas freiner. 

 

Quand on le sent, il faut se lancer et y aller du fond du cœur et accepter ce qui vient avec, car on se lance en ne réalisant pas à quel point c’est difficile, car c’est difficile pour dire la vérité et qu’après on se demande si j’ai eu raison de faire ça. 

 

Je me suis posé ces questions en 2020, une année extrêmement compliquée pour Susu, pour ma vie de famille également. C’était le début de la pandémie de Covid, on a eu un enchaînement d’événements négatifs, où c’était presque de l’inconscience à continuer Susu et j’ai eu cette inconscience là à vouloir aller jusqu’au bout de l’histoire. On existe aujourd’hui grâce à un petit miracle, on a fait une levée de fonds grâce à une personne qui a investi dans Susu, il a signé le chèque qui nous a sauvé la vie, on lui doit la survie de Susu. 

 

L’équipe a été aussi une vraie force, un leader, qui n’a jamais cessé de travailler, et m’a porté également dans les moments difficiles.

En tant que femme, as-tu été confrontée à des discriminations ?

Moi je ne les vois pas, j’ai pas envie de les voir. On est dans une période extrêmement violente, il suffit d’allumer la télé, c’est déprimant. Entre l’actualité politique en France et tout ce qui se passe dans le monde, il est facile de se retrouver dans une position de victime. Mon parti c’est de me dire que je ne suis victime de personne, je choisi de ne pas l’être. Je peux travailler avec des personnes machos, je ne suis pas intimidée, je choisis de ne pas les entendre.

Quelles sont les principales qualités qu’il faut à une femme entrepreneur pour réussir ?

Moi j’ai un mantra, c’est 4 mots qui me motivent tous les jours : rêve, ose, travaille et n’abandonne jamais. Ces 4 mots mis en commun représentent ce qu’il faut pour partir d’une idée, à un projet et à une exécution. Il faut partir d’une vision et pour la transformer, il faut oser, sauter le pas, changer le statut quo, oser se lancer dans l’inconnu. Ensuite, il ne faut pas juste attendre que le succès nous tombe du ciel, il faut travailler et travailler dur, faire beaucoup de sacrifices. Et ne jamais abandonner, c’est 80% du travail. Il y aura 10, 20, 100 occasions de se planter, la seule différence entre ceux qui réussissent et ceux qui ne se réunissent pas c’est l’abandon. Pour moi n’abandonne jamais c’est de tomber mais de toujours se relever derrière. 

Quels sont les projets qui se préparent ? As-tu une annonce à nous partager ?

Nous créons un nouveau bouquet pour la prise en charge de la femme enceinte, depuis le début de la grossesse jusqu’au post-natal. Visite chez le gynécologue, échographie, conseils et vidéos sur des thématiques liées à la grossesse, une application qui permet de suivre son calendrier de grossesse. 

On se réjouit de voir comment cela sera accueilli sur le marché. On entend souvent des histoires tristes sur des femmes qui meurent en couche, sur des bébés qui ont des complications liées à un mauvais suivi de la grossesse, donc c’est des choses qu’on souhaite améliorer à travers l’offre Mama Care qu’on va proposer.   

Merci Bola de nous avoir accordé du temps pour présenter Susu à travers ton regard.

 

Alors, que vous souhaitiez offrir les meilleurs soins de santé à ceux que vous aimez, ou simplement en savoir plus sur Susu, n’hésitez pas à nous contacter ou à consulter notre site internet www.susu.fr

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